Un format innovant a été proposé pour la Conférence 2024 avec les collectivités publiques partenaires de la FGC. Après le bilan pour la période 2021-2024 dressé par la secrétaire générale et les informations de la DDC sur les pressions budgétaires qui s’exercent à Berne sur la coopération internationale, un atelier participatif a été proposé aux participant·e·s pour réfléchir aux interdépendances systémiques entre environnement, social, local et global. Les OM et les instances ont été invitées à participer à ce jeu stimulant développé par la Fedevaco.
La théorie du Donut au centre de la rencontre avec les collectivités publiques partenaires
Pour marquer la fin de la période quadriennale 2021-2024, la Conférence 2024 de la FGC, qui s’est tenue le 15 octobre 2024 à l’espace Lumen, a rassemblé non seulement des représentant·e·s des collectivités publiques partenaires de la Fédération, mais également des membres de ses instances et de ses organisations membres (OM). Près de 70 personnes y ont participé, un chiffre record.
Un atelier participatif et réflexif sur la théorie du Donut a constitué le point fort de l’après-midi. Cette théorie économique développée par la Britannique Kate Raworth, chercheuse à l’Université d’Oxford, ancienne collaboratrice d’Oxfam, permet de (re)penser les relations économiques et sociales du 21e siècle en tenant compte de l’interdépendance des enjeux environnementaux et sociaux.
La théorie du Donut en bref
En fixant un plafond écologique aux activités humaines qui incite à ne pas dépasser les neuf limites planétaires et en définissant un plancher social correspondant aux besoins vitaux des individus, la théorie du Donut permet de concilier la justice sociale et la justice climatique (voir l’infographie). Le fondement social constitue la limite interne du Donut, en deçà de laquelle se trouvent les personnes qui ne peuvent satisfaire leurs besoins essentiels comme la nourriture, l’éducation et le logement; il comprend douze dimensions largement inspirées des priorités définies dans les Objectifs de développement durables (ODD). Le plafond écologique constitue la limite externe du Donut, au-delà de laquelle l’humanité exerce une pression dangereuse pour les systèmes terrestres, par le biais du changement climatique, de la perte de biodiversité, et de la pollution chimique, par exemple.
Entre ces deux cercles se situe un espace à la fois écologiquement sûr et socialement juste - qui prend la forme d’un donut - où l’humanité peut s’épanouir. Le but de celle-ci, et donc de ses actions et activités, est d'entrer dans le Donut.
Théorie du Donut et coopération
En permettant d’articuler les valeurs de justices sociale et climatique avec les ODD, ce modèle est parfaitement adapté au secteur de la coopération au développement. Amener l’humanité dans l’anneau du Donut nécessite en effet une réduction massive des inégalités, l’amélioration des conditions de vie des personnes les plus précarisées et la préservation de la planète ici et dans les pays du Sud global, qui sont précisément les objectifs qu’elle poursuit.
Le modèle du Donut permet de montrer concrètement comment la coopération et les projets soutenus agissent (voir les flèches bleues sur l’infographie). En effet, de nombreux projets de développement interviennent auprès de communauté dont les besoins de base en matière d’éducation, de soins de qualité, de logement décent, etc., ne sont pas satisfaits avec l’objectif de les amener dans l’anneau du Donut. D’autres agissent sur les volets environnementaux, par exemple lorsqu’il s’agit d’améliorer la gestion de l’eau ou de limiter la perte de la biodiversité.
Discussions en groupe
L’atelier, sous forme de rallye entre différents stands, a été développé par la Fedevaco. Léa Baeriswyl, responsable partenariats et partage des savoirs de la Fedevaco, et Lucie Engdahl, responsable communication de la fédération vaudoise, l’ont présenté et facilité. Les participant·e·s ont été divisés en différents groupes, animés par un·e membre du Secrétariat de la FGC. Chaque groupe a visité quatre stands portant sur autant de thématiques, écouté une présentation et débattu d’une problématique, vue à travers les yeux d’un·e responsable d’une collectivité publique devant opérer des choix en matière de politiques publiques.
À l’issue de la discussion, le groupe devait choisir, parmi quatre propositions, deux réponses qui selon lui permet de respecter à la fois les limites environnementales et le socle social du Donut.
Quatre stands, quatre questionnements
> Stand de l’IRHA: la première question portait sur cette question «L’Agenda 2020, et après?» L’objectif? Réfléchir à la suite à donner à cet agenda au niveau cantonal pour répondre aux défis environnementaux et sociaux. L’IRHA (Alliance internationale pour la gestion de l’eau de pluie) dont les projets contribuent à atteindre l’ODD 6 (eau propre et assainissement) tenait le stand. L’ONG a présenté ses projets de développement au Sénégal ou au Népal, ainsi que ses activités de sensibilisation à la valorisation de l’eau de pluie à Genève. Au Sud, les projets sont développés et mis en œuvre en étroite collaboration avec les collectivités publiques, les autorités coutumières et les populations; la décentralisation de la gestion de l'eau au niveau local permet l'autonomisation des communautés en ayant pour principe la gestion de la ressource par et pour elles.
> Stand de la FGC: la deuxième question, sur la justice climatique et la justice sociale, portait sur le développement de plans climat communaux tenant compte de la dimension sociale des politiques publiques pour éviter que les mesures climatiques n’accroissent les inégalités. Les présentations de la FGC ont montré en quoi la théorie du Donut représente une boussole extrêmement intéressante pour repenser les relations économiques, sociales et climatiques, aussi bien au Nord qu’au Sud et dans les relations entre les deux hémisphères. Des exemples de projets contribuant à la satisfaction des besoins des populations précarisées dans les pays du Sud Global, ainsi qu'à la préservation de l'environnement, ont été exposés. Pour entrer dans le Donut, les collectivités publiques ont été appelées à se rapprocher du 0,7% (part de leur budget consacrée à la solidarité internationale).
> Stand de 2050Today: la troisième question concernait le bilan carbone d’une commune genevoise et les solutions possibles pour atteindre l’objectif de -60% de gaz à effet de serre en 2030, notamment avec des mécanismes de compensation carbone dans des pays du Sud global. Avant la discussion entre les participant·e·s, Jean-Pierre Reymond, directeur de 2050Today, a présenté les activités de ce forum créé et soutenu par la Confédération, le Canton de Genève, la Ville de Genève, l’Université et les Services industriels. 2050Today offre aux institutions de la Genève internationale, dont les organisations internationales et les ONG actives à l’étranger, la possibilité de mesurer gratuitement leurs émissions de gaz à effet de serre. Il leur propose ensuite un train de mesures adaptées à leur profil pour les réduire.
> Stand du CEAS-Genève: le quatrième stand abordait les questions d’alimentation dans un esprit de durabilité locale et globale. L’association de soutien genevoise au CEAS a présenté son projet de sécurité alimentaire Fourche verte, dont l’objectif est de lutter contre la malnutrition au nord du Burkina Faso, notamment grâce au moringa. Le projet s’articule autour de plusieurs axes, comme l’enrichissement de la nourriture de base d’élèves et d’enfants en bas âge, la mise au point et la diffusion de recettes à base d’aliments locaux riches en nutriments et l’appui des familles d’accueil des personnes déplacées internes via la production de protéines végétales. La discussion en groupe a porté sur l’alimentation dans les cantines scolaires pour nourrir les élèves de manière saine et durable sans menacer la sécurité alimentaire mondiale, par exemple en proposant des menus végétariens.
En conclusion
Au terme du rallye, les réponses données aux questions par chaque groupe ont été analysées et placées sur un tableau à double entrée (respect des limites planétaires et satisfaction des besoins fondamentaux de chacun·e). À leur grande surprise, la grande majorité des groupes s’est trouvé dans la partie du graphique représentant le statu quo et non pas une progression dans l’anneau du Donut!
Le jeu permet ainsi de profonds questionnements, de fécondes discussions, ainsi que des prises de conscience. Les réflexions suscitées et le modèle durable sur lequel il est construit ont été particulièrement appréciées. Certain·e·s représentant·e·s des collectivités publiques ont souhaité pouvoir le présenter à leur administration.
Au vu de sa pertinence et de l’intérêt qu’elle suscite, la théorie du Donut sera intégrée dans le Programme stratégique 2025-2028 de la FGC: la justice climatique et sociale en est l’une des valeurs cardinales et le modèle développé par Kate Raworth offre un cadre conceptuel stimulant pour s’en rapprocher.
Ressources pour aller plus loin:
- Sur son site, la Fedevaco propose de nombreuses ressources et articles consacrés à la théorie du Donut, ainsi que les questions posées dans l’atelier.
- La Théorie du Donut. L’économie de demain en sept principes, Kate Raworth, édition J’ai lu, 2023.
- Résumé de la théorie et vidéo explicative sur le site d’Oxfam France.