Aller au contenu principal
La FGC plaide pour un respect de l’engagement pris par la Suisse de consacrer un minimum de 0,5% de son revenu national brut à l’aide publique au développement, qui permet d'agir sur le long terme. @FGC

Comme elle l’avait fait il y a quatre ans, la Confédération a soumis à une large consultation son projet de Stratégie de coopération internationale (CI) pour les années 2025 à 2028. La Fédération genevoise de coopération (FGC) a participé à ce processus et renvoyé sa réponse le 14 septembre 2023 aux conseillers fédéraux chargés du Département fédéral des affaires étrangères, Ignazio Cassis, et du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche, Guy Parmelin. 

En l’état, la FGC est très critique sur la proposition de Message 2025-2028. Dans sa réponse, elle déplore la «claire inflexion» au profit de l’aide humanitaire apportée par le projet de texte. «Il apparaît que la Suisse se positionne dans un modèle réactif en privilégiant la gestion de crise», estime-t-elle, alors que la stratégie fédérale devrait «présenter une approche plus équilibrée entre développement et aide humanitaire pour répondre aux crises actuelles et apporter des solutions pour en atténuer les causes». «Certes, poursuit-elle, une certaine flexibilité est bienvenue pour les ONG suisses, mais cette option contient le risque d’une réorientation des fonds pour répondre à des situations d’urgence au détriment de projets de développement qui soutiennent un changement sur le plus long terme. 

La FGC regrette également le «manque d’un souffle visionnaire» dans la stratégie suisse: «Le présent Message devrait présenter une vision novatrice, ambitieuse», écrit-elle en rappelant que «traditionnellement la coopération suisse était reconnue par ses pairs pour ses propositions innovantes en matière de diplomatie multilatérale de développement».

Ancrage dans l’Agenda 2030

Point positif: la FGC salue le fait que la Stratégie 2025-2028 arrime de manière plus explicite la Suisse à l’Agenda 2030. Le texte fait notamment référence à cet appel du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres: «Les ODD sont la feuille de route admise par tous pour combler les fossés économiques et géopolitiques, restaurer la confiance et reconstruire la solidarité. Sans progrès, les inégalités continueront de se creuser, aggravant le risque d’un monde fragmenté et à deux vitesses. Aucun pays ne peut se permettre de voir le Programme 2030 échouer». 

Cependant, à la lumière de cette exhortation, les ambitions de la Stratégie de coopération internationale de la Suisse 2025-2028 ne sont pas à la hauteur des défis auxquels est confrontée la communauté internationale, estime la FGC. Leur liste est imposante. Sur les plans économique et social: conséquences de la pandémie du Covid-19 et de la guerre contre l’Ukraine, qui ont aggravé la crise de l’énergie, l’insécurité alimentaire, le poids de la dette et l’inflation. Sur le plan environnemental: impacts toujours plus importants du changement climatique (sécheresse, incendies, modifications de la pluviométrie et inondations). Sur le plan politique: montée des régimes autoritaires, mise sous pression des droits humains et crise du multilatéralisme. 

Face à cela, la FGC attendait «une réflexion de fond sur les réorientations stratégiques à opérer dans le domaine de la coopération au développement, que ce soit au niveau international et au niveau suisse». «Afin d’apporter des réponses durables à cette situation inédite, poursuit-elle, plusieurs axes de travail doivent impérativement être respectés: suivre la feuille de route dressée par la communauté internationale (Agenda 2030), participer à son financement à la hauteur des capacités économiques de la Suisse, utiliser les bons outils de la coopération internationale pour agir sur les causes du problème et pas seulement sur les conséquences.» 

Financement de la CI

«Pour la FGC, au vu de ces divers constats, le statu quo en termes d’engagements financiers n’est plus une option. Il est dans l'intérêt bien compris de la Suisse d’avoir des ambitions accrues pour sa coopération internationale. Dans un monde globalisé, l’indifférence à l’égard des pays les plus pauvres peut se transformer rapidement en une situation délicate pour les populations au Sud comme au Nord. La FGC plaide pour un respect de l’engagement de la Suisse de consacrer 0,5 % à l’aide publique au développement (APD; sans les coûts d’accueil des réfugiés) et que soit réitéré l’objectif de tendre vers le 0,7%. Par ailleurs, la FGC refuse la flexibilité excessive de l’utilisation des fonds».

 

«Le statu quo en termes d’engagements financiers n’est plus une option. Il est dans l'intérêt bien compris de la Suisse d’avoir des ambitions accrues pour sa coopération internationale.»

Une enveloppe de 11,45 milliards de francs est prévue pour cette stratégie pour la période de quatre ans. Sur ce montant, selon le communiqué de presse de la Confédération, «il est prévu d’affecter 1,5 milliard de francs au soutien à l’Ukraine et 1,6 milliard de francs à la lutte contre le changement climatique». «La pandémie de Covid-19 et la guerre contre l’Ukraine (…) ont nécessité d’adapter les programmes et projets de la CI», poursuit le communiqué. Celui-ci cite les défis suivants pour justifier l’évolution de la stratégie: le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a augmenté pour la première fois depuis 30 ans; quelque 400 millions de personnes sont tributaires de l’aide humanitaire; en Ukraine, la guerre a entraîné le déplacement de près d’un tiers de la population. 

S’agissant de l’Ukraine, un chapitre spécifique lui est consacré. Sur les 1,5 milliard proposés, 5 à 10% sont prévus pour des actions de soutien (aide humanitaire et coopération au développement) en faveur de l’Ukraine et de la région, selon le projet de Message. Les futures contributions à sa reconstruction pourraient également être partiellement financées par les fonds de la CI. 

Réagissant au choix d’intégrer l’Ukraine dans le Message, la FGC plaide au contraire pour «une loi fédérale spécifique et un financement ad hoc» permettant une planification financière plus fine dans un contexte incertain, notamment parce que «la fin de la guerre en Ukraine n’est pour l’instant pas prévisible et la planification de l’utilisation des fonds est complexe à ce jour». Elle note aussi que «le soutien large et inconditionnel à l’Ukraine ne peut se faire au détriment des populations défavorisées dans les pays en développement».

Prochaines étapes

Cette consultation publique marque l’une des étapes vers l’adoption, planifiée pour le printemps 2024, de la Stratégie 2025-2028 par le Conseil fédéral. Le Message sera ensuite transmis aux Chambres fédérales, où les débats devraient avoir lieu à l’automne 2024. Comme de nombreuses ONG actives dans la coopération au développement, la FGC espère que le texte final qui sera transmis au Parlement tiendra compte des critiques et opérera les réorientations stratégiques nécessaires. 

La Stratégie 2025-2028 de la Confédération en bref

Selon le document mis en consultation par la Confédération, la Stratégie 2025-2028 poursuit les priorités de la période quadriennale précédente avec une série d’adaptations.

Les objectifs pour la coopération internationale de la Suisse:

- Développement humain: sauver des vies et garantir l’accès aux services de base de qualité pour les populations les plus démunies; 

- Développement économique durable: contribuer à une croissance économique durable et à la création d’emplois décents; 

-  Climat et environnement: protéger l’environnement et lutter contre le changement climatique; 

- Paix et gouvernance: promouvoir la paix et les droits de l’homme, renforcer la démocratie et l’état de droit.

Les principaux changements

Six adaptations principales sont proposées:

- une augmentation du crédit d’engagement de l’aide humanitaire justifiée par l’augmentation des besoins et de la durée d’engagement dans les régions en crise;

- un accent placé sur les domaines de la santé, de la lutte contre la faim, de la migration, du secteur privé, de la démocratie;

- un engagement multilatéral focalisé sur les défis globaux (paix, sécurité, climat, nouvelles technologies, santé, etc.);

- des actions auprès des bénéficiaires dont la gestion est confiée dans la mesure du possible aux acteurs locaux;

- une valorisation de l’expertise suisse notamment dans les domaines du fédéralisme, de la formation professionnelle et de l’innovation technologique;

- la recherche de synergies entre différents acteurs (secteur privé, milieux académiques, ONG, administration publique) dans le financement et la pérennité des biens publics globaux (biodiversité, santé, eau, etc.).

Les zones géographiques concernées

Les quatre régions prioritaires de la stratégie 2021–24 sont maintenues: 

 - l’Afrique subsaharienne, 

- l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, 

- l’Asie, 

- l’Europe de l’Est. 

La DDC conserve les 35 pays prioritaires actuels de la coopération bilatérale. Six pays sujets à une crise prolongée nécessitant un engagement humanitaire sont ajoutés: la République centrafricaine, le Soudan, le Soudan du Sud, le Yémen, Haïti et la Colombie. 

Budget prévu

Un montant total de 11,45 milliards de francs est prévu. Il est réparti comme présenté dans l'infographie ci-dessous. 

Source: «Stratégie de coopération internationale 2025 à 2028» (mise en consultation)

Partager ce contenu